Le sein

Cet objet du désir.
Ou du désamour.

Allaiter ou pas. Un choix parfois cornélien pour chaque future mère. Et puis très vite il y a les questions qui, déjà, nous jugent « Tu vas allaiter ? ». "Pourquoi tu n'allaites pas ?".

Bien avant de lancer Naissance publique je suivais déjà beaucoup de comptes sur la maternité, et j’ai vu à quel point ce sujet est monté en puissance depuis plusieurs années. Entre les injonctions à être une bonne mère, les modes et l’envie d’appartenir à une communauté, ce n’est pas simple de faire un choix éclairé. Un choix qui ne devrait pourtant concerner personne d’autre que les parents, et en premier lieu la future mère.

J’ai allaité peu de temps. Par mauvaise pudeur (sous réserve qu'elle puisse être bonne) et par manque de confiance en moi. Pourtant j’en avais vraiment envie, mais honnêtement, sans y croire réellement. Parce que je n’ai pas été allaitée et que j’avais toujours entendu ma mère dire que ça l’avait épuisée d’allaiter ma sœur. Parce que ma sœur non plus n’a jamais allaité et qu’on ne fait pas trop ça dans la famille, en fait. Moi je voulais allaiter, mais je ne me sentais pas entourée dans ce choix. Il n’y avait évidemment aucune malveillance, mais quand ce n’est pas ton truc et bien tu ne te sens pas concernée, c’est comme ça.

Et puis il y a les autres. Ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre. Et les deux me faisaient flipper.

Ceux qui te disent carrément « mais enfin, pourquoi tu allaites ? », « tu prives le papa de moments importants avec son enfant », « tu comptes faire comment au travail ? ».

Et ceux qui te disent qu’il faut impérativement allaiter, que c’est très important pour ton enfant. Ceux qui tiennent des propos parfois extrêmes à ce sujet.

Dans un cas comme dans l’autre, j’avais le sentiment que le choix ne m’appartenait pas vraiment. Que je devais me conformer à une norme, appartenir à un clan. Le clan des jaunes ou le clan des rouges. Le clan des pour et le clan des contre. Je trouvais que les avis étaient souvent très tranchés, et que tout ça manquait d’entre-deux. Je ne sais pas si ça vous fait pareil, mais je me dis que si on était simplement un peu plus tolérants face aux choix des autres, que si on disait juste qu’on s’en fout en fait, que chacun fait comme il veut, tout ça serait carrément plus simple, non ?

J’avais donc l’impression quel que serait mon choix, j’appartiendrai à un clan et je devrai toujours me justifier.

Et puis je ne croyais pas vraiment en mes capacités (un énorme merci à ceux qui m’ont dit qu’avec mon 90A, je ne pouvais pas avoir de lait. Ceux qui le pensaient vraiment (#cestpaslataillequicompte) et ceux qui le disaient juste "pour rire". Et puis quand on ne sait pas vraiment, qu’on ne trouve pas trop d’informations, on finit par se laisser convaincre que non, ça ne marche pas. Et qu'ils ont raison.

J’ai allaité Roméo deux semaines. Deux petites semaines pendant lesquelles on me disait que mon bébé ne prenait pas assez de poids, que je ne contrôlais pas ce qu’il buvait, que je devais noter chaque tétée sur un cahier et systématiquement faire des biberons de complément. Quatre ans plus tard Ulysse est né, et on m’a redit les mêmes choses. Je devais sans cesse jongler entre ma pudeur (parce que devoir me mettre à moitié à poil pour allaiter mon enfant ça ne faisait pas vraiment sens pour moi, merci Tajine Banane d’avoir révolutionné le monde !) et les conseils des autres. Famille, sage-femme, pédiatre. Ces autres qui finissent par prendre le pas sur toi. Et qui te disent ce qui est bon pour ton enfant. Je ne dis évidemment pas de ne jamais écouter les autres (et surtout le personnel médical), mais simplement d’apprendre à se faire confiance, aussi.

Mon bébé ne prenait pas assez de poids. Je me souviens parfaitement du moment qui a marqué la fin de l’allaitement d’Ulysse. Le 14 décembre 2018, il n'avait même pas deux mois, on rentrait de chez des amis et j’avais passé la soirée cachée dans la chambre à lui donner le sein. Cachée, pour qu'on ne me voie pas nourrir mon enfant. Parce que j'avais peur de dévoiler mon corps. En rentrant, Yann m’a dit que cette fois il fallait arrêter. Que j’étais épuisée, que je ne profitais ni de l’allaitement ni du reste, que c'était depuis longtemps les biberons de complément qui nourrissaient réellement Ulysse. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps alors que j’étais résignée, je le savais. Ce jour là, j’ai réalisé que je m’accrochais à quelque chose que je n’ai pas réussi à défendre ni à expliquer. Je sentais que je ne décidais pas. Alors j’ai justement décidé qu’il était temps d’arrêter. Et j’ai pris une dernière photo de nous deux. Celle-ci.

Pendant mes deux allaitements je n’ai rien fait d’instinctif. Je ne me suis pas imposée, alors qu’au fond de moi je savais. Que mes bébés mettent du temps à retrouver leur poids de naissance, qu’ils ne grossissent pas beaucoup au début mais qu’ils sont en parfaite santé. Ils vont bien. Ils allaient bien. J’avais confiance en eux, en nous.

Si seulement c’était à refaire. Un troisième bébé. Je ne les écouterais peut-être pas, ceux qui disent mieux savoir. Et puis à force de dire à toutes les nouvelles mères que je croise de s’écouter, qu’elles sont la meilleure mère pour leur enfant, qu’elles sont tout ce dont leur bébé a besoin, je finirais certainement par le croire aussi, cette fois… 
 

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Et aussi

L'IPA, l'information pour l’allaitement

La Cofam